Sextember : un mois sans porno pour redécouvrir une sexualité non stéréotypée
- camillenerac7
- 18 déc. 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 déc. 2022

Apprendre aux jeunes à découvrir leur sexualité autrement qu’en regardant du porno, c’est le but de la campagne Sextember. Lancée par une marque de préservatif sur Tik Tok, cette opération invite les jeunes à passer tout le mois de septembre sans regarder de film pornographique. L’objectif, c’est d’inciter à (re) découvrir le sexe sans l’influence de la pornographie alors qu’aujourd’hui près d’un ado sur deux estime que les sites pornos participent à l’apprentissage de sa sexualité (d'après un sondage réalisé en 2016 en France). C’est notamment le cas pour Christophe, 21 ans, qui assume regarder du porno pour apprendre : "C’est tout simplement pour découvrir de nouvelles méthodes pour donner du plaisir et pour voir la créativité des gens" explique-t-il.
L’intégration des pratiques issues de l’univers du X est répandue chez les jeunes puisque près d’un ado sur deux (45%) a déjà tenté de reproduire des scènes vues dans des films pornographiques. C’est notamment une constatation faite par Léopold, 26 ans, qui a remarqué l’influence de la pornographie auprès de ses partenaires : "Je suis homosexuel et je vois bien que dans ce monde-là, il y a beaucoup de gens qui veulent reproduire des choses qu’ils voient au travers de vidéos pornographiques. Moi, je fonctionne plus au niveau du feeling de la personne, de comment cela se passe et dans le respect de l’un et de l’autre sans vouloir reproduire des choses que j’ai vues sur un écran."
Les jeunes, confrontés de plus en plus tôt à la pornographie
Avec la démocratisation d’internet et l’amélioration des technologies de communication, l’échange d’images et de vidéos a été grandement facilité, permettant aux jeunes d’accéder plus aisément à la pornographie. "Le porno existe depuis les années 70-80 mais à l’époque, pour y avoir accès, il fallait aller dans des endroits spécialisés, des clubs x, des vidéoclubs", explique Camille Nérac, sexologue clinicienne. "Il fallait faire une démarche alors qu’aujourd’hui, c’est facile et le porno vient même parfois aux jeunes sans qu’ils n’aient rien demandé : sur les réseaux sociaux, sur des sites de streaming, des pubs, des pop-up, etc."
La consommation de contenu pornographique se fait d’ailleurs de plus en plus tôt puisqu’à partir de 12 ans, un jeune sur trois a déjà vu du porno. "Il y a une plus grande consommation qu’auparavant parce que le porno est là, partout, tout le temps, facile d’accès. On peut l’emmener à l’école sur son smartphone, on peut le regarder seul ou en groupe, il est très présent. Et dans les écoles, on constate qu’à 11-12-13 ans, les jeunes ont des questions qui ont attrait au porno comme par exemple : 'Pourquoi la femme crie-t-elle ?'. Ils connaissent aussi des mots assez forts mais pas les bons termes. Ils utilisent des mots assez 'trash' et tout ça, c’est en rapport avec le porno".
Une image, ça s’imprègne vite dans le cerveau.
À force de consommer de la pornographie, les jeunes peuvent développer une vision tronquée de la réalité, stéréotypant au passage leur sexualité.
Le visionnage de ce "porno mainstream", facile d’accès, n’est donc pas sans conséquence : "C’est du porno violent. Les jeunes se retrouvent à regarder du porno violent et ça va venir biaiser leur manière de voir la sexualité", note la sexologue. "Du coup, ils pensent que faire l’amour, avoir un rapport sexuel, c’est ça et ça tronque complètement leur entrée dans la vie sexuelle. Cela a un impact relativement fort parce qu’une image, ça s’imprègne vite dans le cerveau". Une influence qui peut d’ailleurs amener à ce que des comportements inadaptés, voire condamnables, deviennent la norme dans l’esprit des jeunes.
Pour 33% des moins de 26 ans, il est normal d’insister pour avoir des rapports sexuels.
En cause ? Les jeunes se réfèrent encore trop souvent au porno où la notion de consentement est quasiment inexistante.
Et cela a aussi une influence sur la perception de la notion de viol. En Belgique, 25% des garçons de 15 à 25 ans estiment par exemple qu’imposer une fellation n’est pas un viol (rappelons qu’en Belgique, le viol est défini comme tout acte de pénétration commis en l’absence de consentement).
Une sexualité dictée qui provoque des angoisses
L’image de la sexualité transmise à travers la pornographie provoque également un effet considérable sur le mental des jeunes qui, par esprit de mimétisme et de comparaison, se mettent la pression pour reproduire ce qu’ils observent : "Le porno les amène à considérer la sexualité de manière stéréotypée. Il faut faire ça, comme ça… C’est comme une 'to-do list', on va cocher les éléments à faire lors d’une relation sexuelle. Cela a pour conséquence d’avoir des angoisses de performances", constate la sexologue. "Finalement, ils se retrouvent à avoir une sexualité qui est compliquée alors qu’en fait, ça devrait être simple, ça devrait être quelque chose qui est dans l’échange, dans le partage, dans la communication."
Les jeunes ne sont pas bêtes non plus, ils se rendent bien compte au bout d’un moment que ce n’est pas la réalité
Néanmoins, Camille Nérac précise qu’il ne faut pas non plus généraliser l’influence du porno chez les jeunes qui, pour la plupart, ne tombent pas forcément dans une addiction : "Ça n’a pas un impact sur tout le monde, les jeunes ne sont pas bêtes non plus. Au fur et à mesure de leur vie sexuelle, des discussions qu’ils peuvent avoir avec des amis, des compagnes, compagnons ou de la famille, ils se rendent bien compte au bout d’un moment que ce n’est pas la réalité. À un moment, ils ont le recul nécessaire pour le comprendre. Ils ne deviennent pas tous dépendants même si cela existe".
Quelles alternatives au porno mainstream ?
Afin de sortir des cadres du porno mainstream et de l’image tronquée de la sexualité qu’il dégage, Camille Nérac présente plusieurs alternatives aux jeunes, dont les pornos féministes : "Ils sont moins dans la violence. Ils se placent dans des rapports qui sont un peu plus dans la réalité, avec des échanges amoureux, de la séduction mais aussi des ratés, des essais et des erreurs", précise la sexologue. "Il y a aussi des podcasts pornos et les livres érotiques qui permettent d’utiliser son cerveau, son imaginaire érotique et de se faire ses propres films ce qui va aider à stimuler son propre désir sexuel".
Où s’informer sur la sexualité ?
En Belgique, de nombreuses associations ou infrastructures accompagnent les jeunes se questionnant sur leur sexualité. Les centres de planning familial offrent de nombreux accompagnements, tout comme certaines ASBL comme Infor Jeunes et O’Yes.
Il est aussi possible de s’informer sur le sexe de manière décomplexée et sans tabou sur les réseaux sociaux au travers de différents comptes comme ceux de Jouissance. club, JeMEnBatsLeClito, MoulesFritesOYes, Wi_cul_pedia, Amaltahir, Orgasme_et_moi et Clitrevolut
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